GENETIC CONNEXION
LA PLEINE PUISSANCE
MYSTIQUE
The Robe
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Twentieth Century Fox
SCORE ANALYSE
ORIGINALSCORE
THE ROBE
The Robe' (La tunique). En plus d'être l'un des péplums bibliques incontournables du Hollywood des années 50, le célèbre film d'Henry Koster est aussi le premier film a avoir été filmé en Cinémascope (format 2.35) en 1953, un procédé cinématographique qui s'avérait être révolutionnaire à l'époque.
'The Robe' nous replonge dans une Rome antique dominée par Caligula (Jay Robinson), après la mort de l'empereur Tibère. Parce qu'il a osé défier Caligula lors de l'achat de l'esclave grec Demetrius (Victor Mature), le tribun Marcellus Gallio (Richard Burton), protégé de l'empereur, est envoyé à Jérusalem en Palestine pour assister à la crucifixion de Jésus Christ, récemment arrêté par Ponce Pilate (Richard Boone). Il joue alors aux dés avec les gardes et gagne la tunique du Christ.
De retour à Capri, Marcellus est en proie à de terribles tourments et commence à sombrer dans la folie. Il est persuadé que la tunique est maudite et décide de la donner à Demetrius, son esclave. Entre temps, ce dernier s'est converti au christianisme après avoir eu la révélation en observant le Christ à Jérusalem. Demetrius quitte son maître et décide d'accomplir son chemin et de réunir des fidèles à la foi chrétienne.
Photo -Source web 1954© Twentieth Century Fox Productions
Richard Burton et Victor Mature - THE ROBE
Toujours angoissé, Marcellus, qui ne peut plus contenir sa folie, demande à l'empereur Tibère de le laisser repartir pour chercher Demetrius et récupérer la précieuse tunique, qui, selon lui, est à l'origine de tous ses maux. Il finit par retrouver la trace de son ancienne esclave, et ce dernier l'initie alors à son tour au christianisme.
Marcellus voit alors sa foi changer le jour où il comprend que le Christ n'est qu'amour et bonté, et qu'il l'a pardonné du haut de sa croix. Mais entre temps, l'empereur Tibère est mort et c'est désormais Caligula qui règne en maître absolu sur Rome. Ce dernier a décidé de mener une chasse contre la secte des chrétiens.
'The Robe' doit avant tout sa notoriété du simple fait qu'il s'agit du tout premier film tourné en Cinémascope, un procédé mis au point en 1925 mais dont le brevet a été acheté par la Twentieth Century Fox en 1937 avant d'être utilisé en 1952 - pour information, 'The Robe' est le second film a avoir été tourné en Cinémascope mais le premier film sorti au cinéma avec ce nouveau procédé en 1953. Il fallut alors réadapter tout le matériel de pellicule à ce nouveau format.
A noter que le film d'Henry Koster a aussi bénéficié d'un nouveau type d'enregistrement sonore grâce à 4 pistes magnétiques permettant d'obtenir un son stéréo, une autre nouveauté à l'époque où le mono dominait l'ensemble de la production cinématographique. Le film peut donc se vanter d'avoir repoussé les limites techniques de l'époque, même si, sur le fond, 'The Robe' n'a rien d'un péplum particulièrement original en soi. Le film, qui prend quelques libertés sur le plan historique, permet de montrer la condition du christianisme sous une Rome autoritaire où les chrétiens étaient considérés comme des hérétiques païens qui devaient être systématiquement arrêtés et exécutés.
A travers l'intrigue de la tunique du Christ, le réalisateur montre aussi la conversion d'un centurion romain à la parole divine et la naissance du mouvement chrétien. Rien de bien original en soi donc dans cette superproduction archi conventionnelle, ni dans la réalisation, ni dans l'histoire et encore moins dans le jeu des acteurs (et ce malgré un excellent casting réunissant quelques pointures telles que Richard Burton, Jean Simmons, Victor Mature, etc.). Il n'est donc guère hasardeux de penser que si 'The Robe' a connu un tel succès dans les années 50 (le film est ressorti au cinéma en 1963), c'est avant tout grâce à la notoriété du Cinémascope auquel on a toujours rattaché le film d'Henry Koster. A noter que le film a été suivi par 'Demetrius and The Gladiators' de Delmer Daves en 1954.
Grand classique dans l'univers des musiques pour des péplums bibliques de l'époque, la grande partition symphonique et chorale d'Alfred Newman pour 'The Robe' est une oeuvre majeure dans la carrière du célèbre compositeur du 'Golden Age' Hollywoodien. Fidèle à son style symphonique flamboyant traditionnel, Newman réexploitait le matériau orchestral des grands péplums des années 50/60 façon 'Ben-Hur' de Miklos Rozsa: fanfares pompeuses, grands thèmes majestueux, choeurs, orchestre massif, etc.
'The Robe' n'échappe pas à la règle mais possède une particularité et non des moindres: un magnifique thème de choeur particulièrement mystérieux et quasiment mystique, le thème du Christ. Exposé dans l'ouverture du film ('Prelude/Main Title'), ce superbe thème inoubliable est chanté par une puissante chorale sur fond de cuivres massifs, un thème à l'écriture profondément verticale, ancré dans des harmonies qui dégage un parfum de mystère profond transcendant, un thème grandiose, une vision musicale du Christ typiquement hollywoodienne, qui semble indiquer ici la puissance divine au-delà de la condition humaine. Voilà donc une ouverture grandiose qui marquera longtemps les esprits, même après la première écoute et nous transporte dans un monde mystique étonnant pour un péplum de ce genre.
Alfred Newman nous dévoile ensuite l'excellente fanfare liée à Caligula dans 'Caligula's Arrival' entendu au début du film, typique des marches cuivrées romaines pompeuses que l'on entend habituellement dans ces grosses musiques hollywoodiennes de péplum. Fidèle aux recettes musicales de l'époque, Newman nous fait même entendre quelques parties plus folkloriques pour la scène du marché aux esclaves au début du film. Le compositeur dévoile ensuite le traditionnel 'Love Theme', thème de cordes poignant associé à la romance entre Marcellus et Diana et entendu dans 'The Map of Jerusalem', entendu lors du départ de Marcellus pour la Palestine.
Avec l'aide de ces différents thèmes (avec le thème-clé du Christ qui domine de manière puissante l'ensemble de la partition), Alfred Newman construit une grande partition symphonique aux harmonies recherchées, avec des thèmes de qualité (le 'Love Theme' est vraiment très réussi!) et des orchestrations raffinées, héritées du langage postromantique allemand typique de l'univers musical du 'Golden Age' Hollywoodien des années 50, représenté par des musiciens comme Alfred Newman mais aussi Franz Waxman, Erich Wolfgang Korngold, Miklos Rozsa, David Raskin, etc. La partition va donc véhiculer un certain sentiment de grandeur et d'aventure tout au long du film, à commencer par l'excellent 'Palm Sunday' accompagnant la scène de la procession de Jésus Christ à Jérusalem, Newman utilisant alors un tambourin pour rythmer la partie mélodique entraînante confié aux choeurs et aux cuivres, les choeurs évoquant ici la foule entourant le Christ (à noter que la piste 'Searching For Jesus' est malheureusement endommagé du à un problème de son sur cette piste du master original, tout de même âgé de 51 ans!).
Dans un registre plus sombre, 'The Carriage of The Cross' nous permet de réentendre des segments du thème du Christ confié à des cordes graves et des cuivres pesants soutenus par des timbales funèbres accompagnant la scène où le Christ porte sa croix jusqu'au lieu de l'exécution sur le mont Golgotha.
Le passage de la crucifixion est sans aucun doute l'un des morceaux-clé du score de 'The Robe', une formidable reprise du thème du Christ plus puissant que jamais, qui semble atteindre ici un sommet dans sa connotation mystérico-religieuse absolument terrifiante. La musique de Newman nous donne alors très clairement l'impression d'avoir à faire à la puissance du monde divin de l'au-delà, une puissance surhumaine magnifiée par les choeurs et les harmonies mystérieuses de ce puissant thème, agrémenté ici d'un superbe contrepoint orchestral/vocal absolument délectable. On aura rarement entendu une musique d'une telle intensité lors d'une scène de crucifixion dans une superproduction biblique de ce genre.
Plus sombre, la seconde partie, entamée par le tourmenté 'The Nightmare', se concentre essentiellement autour de diverses variantes du thème du Christ évoquant la conversion des personnages principaux à la fois chrétienne. C'est l'occasion pour le compositeur de rappeler le magnifique 'Love Theme' pour les retrouvailles entre Marcellus et Diana dans le très beau 'Capri' et 'Tiberius' Palace', où l'on pourra entendre une très jolie variante du thème aux vents pour la scène chez l'empereur. Marcellus se met alors en quête de la tunique pour la seconde partie du film avec 'The Market Place' et son écriture de petites percussions et de vents plus modestes illustrant la scène du marché avec quelques accents orientaux.
Newman s'autorise même l'introduction d'un nouveau thème dans 'The Resurrection', chanté par Carole Richards pour la scène où la femme chante le miracle de la résurrection du Christ en s'accompagnant de sa harpe. Newman nous propose une excellente variante instrumentale de ce thème plus envoûtant dans 'Elegy', mettant l'accent sur les vents et la harpe. D'une manière générale, on remarquera le côté plus modeste des orchestrations dans cette seconde partie où Marcellus recherche la tunique et côtoie les chrétiens qu'il rencontre sur son chemin. Mais c'est avec la mort du sage Justus dans le mélancolique 'Justus' Death' (pièce toujours dominée par les vents) que la musique nous introduit à la dernière partie du film, après la rédemption/conversion de Marcellus et la chasse aux chrétiens que mène Caligula.
Newman, qui donne une certaine importance à sa partie chorale (à noter le chant funèbre de 'Hymn For The Dead' dans la scène des catacombes) n'en oublie pas pour autant sa partie orchestrale et nous propose par exemple une utilisation plus présente du thème de cuivres des romains avec percussions dans la scène des catacombes ('The Catacombs'), évoquant la réunion des chrétiens avec une certaine force et une grande détermination. C'est aussi l'occasion pour le compositeur de nous dévoiler quelques morceaux d'action particulièrement excitant avec, au passage, un superbe morceau de bravoure lors de 'Demetrius' Rescue' pour la scène où Marcellus et ses nouveaux compagnons délivrent Demetrius de la chambre des tortures où il était retenu prisonnier par les gardes de Caligula.
Superbe morceau héroïque cuivré dans la plus pure tradition hollywoodienne du genre, cette envolée héroïque de 'Demetrius' Rescue' jure peut-être avec le reste du score, mais elle rappelle néanmoins le goût des artisans hollywoodiens de l'époque pour les grandes fanfares héroïques spectaculaires, dans la même veine que le célèbre thème cuivré de 'The Sea Hawk' d'Erich Wolfgang Korngold (on pourrait aussi citer 'Kings Row' ou 'The Adventures of Robin Hood'), renforçant la dimension spectaculaire du film d'Henry Koster.
Newman développe alors un motif de 3 notes des romains déjà entendu dans 'The Catacombs' afin d'illustrer la traque que mène Caligula contre les chrétiens. Dans 'Marcellus's Farewell', c'est une nouvelle reprise poignante du 'Love Theme' lorsque Marcellus quitte Diana pour échapper aux romains et venir en aide à ses amis chrétiens, ce qui nous permet d'entendre un excellent morceau d'action assez agité dans 'The Chase' pour la poursuite avec les romains. Comme toute oeuvre symphonique et spectaculaire de ce genre, il fallait une coda à la hauteur du sujet. Newman nous gratifie ainsi d'une puissante conclusion majestueuse dans 'Finale/Hallelujah' nous permettant de réentendre une dernière fois le thème du Christ pour choeur et orchestre avec un Alléluia final chanté par le choeur religieux en imitation dans un style puissant et triomphant, évoquant le chemin de Marcellus et Diana vers le royaume de Dieu.
Que dire de plus si ce n'est que 'The Robe' est sans aucun doute l'un des grands chef-d'oeuvres d'Alfred Newman, aux côtés d'autres grandes partitions péplum du compositeur telles que 'The Egyptian' ou 'The Greatest Story Ever Told' (une autre grande partition biblique du compositeur!). On a parfois comparé les magnifiques parties chorales inoubliables de 'The Robe' à celles du célèbre 'The Song of Berndaette' pour une autre grosse production produit par la 20th Century Fox en 1943.
La superbe partition symphonique et chorale d'Alfred Newman pour 'The Robe' déploie toute la grandeur de ses orchestrations et la puissance de ses choeurs afin d'illustrer un spectacle religieux typique de cette ère hollywoodienne des grosses productions démesurées. Plus que par son côté spectaculaire, la musique de 'The Robe' s'apprécie plus particulièrement par la puissance religieuse/mystique qui se dégage du célèbre thème du Christ d'une qualité rarement égalée dans ce type de film. Partition monumentale qui synthétise à merveille le style hollywoodien des péplums du 'Golden Age' des années 50, 'The Robe' est un chef-d'oeuvre inégalable d'Alfred Newman que tous les béophiles se doivent de connaître à tout prix.